Aux USA, une conduite des veaux rationalisée et efficace
Sur les grands élevages américains, la spécialisation des tâches et la prévention permettent d’atteindre un haut niveau de performances techniques. Si le modèle n’est pas transposable ici, les éleveurs français peuvent néanmoins s’en inspirer.
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La course au gigantisme des élevages laitiers ne connaît pas de limite aux États-Unis. Aujourd’hui, les deux tiers du lait produit proviennent de troupeaux de plus de mille laitières, 40 % viennent de structures en comptant au moins 2 500. Si les livraisons totales ont légèrement reculé en 2023, la tendance reste à la hausse avec un gain de 4 % depuis cinq ans. L’effectif total des vaches est stable ou en légère hausse, autour de 9,3 millions, et le nombre de fermes subit une véritable hémorragie avec une perte de l’ordre de 6 % par an. On en compte 26 230 en 2023, soit 20 000 de moins que dix ans plus tôt.
Si le modèle intensif d’outre-Atlantique ne fait rêver personne en Europe, l’efficacité de ces fermes interpelle. La mortalité des veaux tourne autour de 5 % en moyenne ; les génisses vêlent entre 22 et 24 mois.
Des protocoles d’élevage très cadrés
Les taux de renouvellement et la longévité des vaches sont difficiles à apprécier actuellement. En effet, le marché de la viande est dynamique, les réformes laitières se négocient entre 1 500 et 2 000 € quand le coût de production des génisses est évalué à 1 700 €. Les éleveurs ont donc intérêt à réformer pour faire entrer des génisses dans leur troupeau. Beaucoup ont adopté le croisement avec des races à viande pour mieux valoriser les veaux.
Fin mai, cinq éleveurs du Wisconsin nous ont ouvert leurs portes pour nous expliquer la logique de leur fonctionnement (1). Quatre possèdent entre 150 et 5 800 vaches traites tandis que le cinquième s’est spécialisé dans l’élevage des veaux en prestation de service. « Pour avoir de bonnes vaches, il faut d’abord bien élever les génisses, mais avec le moins possible de travail », résume cet éleveur, J Hall. Il accueille en moyenne 150 veaux nouveau-nés chaque jour. Il en a environ 10 000 non sevrés en même temps et en élève environ 45 000 par an. Les génisses repartent sur leur élevage d’origine peu après l’âge de 4 mois. Le tarif s’élève à 3,90 €/veau/jour jusqu’à 70 jours, puis 3,40 ensuite. J ne laisse rien au hasard. Dès l’arrivée des veaux âgés de quelques heures, il vérifie par prise de sang qu’ils ont bien reçu du colostrum.
Tous sont vaccinés, contre la coccidie notamment. Ils rejoignent ensuite des niches individuelles avec une courette extérieure où ils resteront jusqu’au sevrage à 8 semaines. En hiver, quand les températures descendent à - 20, voire - 30 °C, ils restent à l’intérieur en cases collectives durant les trois premiers jours puis revêtent un manteau avant de sortir. « Ces niches représentent à mon avis le moyen le moins coûteux pour loger les veaux », explique l’éleveur.
En hiver, un bon matelas de paille suffit pour assurer le confort. Le modèle de niches choisi présente des ouvertures à l’arrière qui permettent de ventiler en été mais peuvent être fermées en hiver. Les niches sont en outre faciles à manipuler. Elles sont orientées de façon à protéger les animaux de la pluie et du vent en hiver, et du soleil en été. La courette permet au veau de bouger.
Une hygiène irréprochable
De plus, ces produits en plastique peuvent être nettoyés et désinfectés entre deux veaux. Traitées contre les UV, ces niches durent longtemps. Certains des éleveurs rencontrés utilisent encore des modèles qui ont trente ans.
Comme J, la plupart privilégient les niches individuelles jusqu’au sevrage. Il est vrai que la législation sur le bien-être des veaux est minimale aux États-Unis, à l’exception de la Californie. Deux des éleveurs rencontrés installent les niches à l’intérieur, à l’image de Rick Roden qui détient 1 000 vaches croisées Procross. « Cela offre de meilleures conditions de travail. Ma mère a 70 ans et s’occupe encore des veaux », précise-t-il. Il a construit des bâtiments très simples pour les abriter : un auvent en tôle non isolé, un sol en béton avec une rigole pour l’écoulement des jus et des rideaux brise-vent sur les côtés. Ils sont levés ou baissés en fonction des conditions météo.
« Il est admis que les croissances sont plus importantes pour les veaux élevés à l’extérieur, parce que la ventilation est meilleure. Il faut donc trouver des adaptations quand on fait un choix différent », explique l’éleveur. Chez lui, six auvents abritent chacun 16 niches. Les veaux sont regroupés par âge. Dans un même bâtiment, tous sont sevrés le même jour quand le plus jeune atteint l’âge prévu. Quand un lot quitte le bâtiment, l’ensemble est démonté, lavé, désinfecté, et préparé pour accueillir le lot suivant. La plupart des éleveurs rencontrés sèvrent les veaux à l’âge de 6 à 8 semaines.
Tous attendent une ou deux semaines supplémentaires avant de les installer dans des cases collectives afin de ne pas cumuler le stress du sevrage avec celui du changement de local. Durant cette période, les niches sont parfois réaménagées pour pouvoir accueillir deux veaux. « C’est important de les sociabiliser avant le passage en cases collectives », explique Rick.
Deux-trois buvées de lait chaud pasteurisé
Les éleveurs insistent sur l’importance de donner du colostrum pendant un ou deux jours. Le plus souvent, les veaux sont ensuite nourris au lait entier pasteurisé. Il est distribué chaud, deux ou trois fois par jour, en fonction du rythme de traite. Le lait non commercialisable est valorisé ainsi mais plus de la moitié des buvées se compose de lait de bonne qualité. Les veaux reçoivent en général 4 l de lait au maximum par buvée. À l’approche du sevrage, la réduction de l’apport de lait est compensée par une augmentation de la quantité d’eau.
Dans le Wisconsin, l’essentiel du lait est transformé en fromage et le paiement est lié à la richesse en matière grasse. Les taux butyreux moyens sont donc assez élevés et les veaux semblent bien s’en accommoder. Dès le premier jour, ils disposent d’eau propre et d’un mélange de graines en permanence. Les seaux sont lavés après chaque repas, et désinfectés au moins durant les deux premières semaines. La plupart des élevages pratiquent l’écornage le plus tôt possible, dès la première semaine, estimant que cela limite le stress. Certains utilisent une pâte, d’autres brûlent et administrent systématiquement un antidouleur. Suivant les conseils de leurs vétérinaires, beaucoup utilisent tous les vaccins disponibles de manière systématique.
Ils traitent aussi régulièrement les abords contre les mouches, et, fin mai, alors que le printemps était bien installé, elles étaient rares autour des veaux. L’un des éleveurs rencontrés (2 800 vaches traites) effectue systématiquement une échographie des poumons à l’âge de 2 mois. Il estime que les animaux à la capacité respiratoire affaiblie ne peuvent pas effectuer de bonnes carrières.
Des salariés très spécialisés
L’organisation du travail vise à assurer le meilleur suivi des jeunes animaux pour limiter les pertes et optimiser la croissance, tout en minimisant le temps à y consacrer. Les veaux sont régulièrement pesés. Les équipes de salariés qui s’en occupent sont spécialisées et n’interviennent pas auprès des vaches. Ils disposent de petits véhicules équipés de citernes pour distribuer le lait et l’eau.
Un veau qui ne vient pas boire ou qui ne termine pas sa buvée est aussitôt repéré. Un ruban de couleur vive est posé sur sa niche. Chaque élevage définit ses propres codes et, généralement, chaque couleur a sa signification. Un moyen simple pour transmettre des informations à des personnes qui ne parlent pas toutes la même langue. Les employés repèrent donc immédiatement les veaux requérant des soins ou un suivi particulier. Dans les gros élevages, un « hôpital » est installé à proximité des nurseries. Ce local est chauffé en hiver.
Cette gestion des animaux par lots est une constante dans les grands élevages. D’un côté, la masse des animaux qui se portent bien et sont tous conduits de manière identique et rapidement. De l’autre, les plus fragiles, repérés grâce à des protocoles rigoureux, et surveillés de près, voire conduits différemment. Elle assure un bon niveau d’efficacité mais aussi des gains de temps, donc d’argent.
(1) Voyage de presse organisé par Hampel Calf-tel, fabricant de niches à veaux à Germantown, Wisconsin (États-Unis) du 20 au 25 mai 2024.
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